Je persiste à croire que je ne serais jamais allée en Pologne si je n’y avais pas été invitée d’une façon toute spéciale par des Arabes israéliens. Jusqu’alors, aucun Arabe et a fortiori aucun groupe d’Arabes ne m’avait lancé d’invitation. Cette proposition d’accomplir un périple arabo-israélien m’a propulsée en moi-même jusqu’à un lieu intérieur dénudé. Il fallait dès lors emprunter une voie israélienne menant vers le focus juif et humain le plus prégnant de ma vie mais aussi le plus occulté. Cette invitation au voyage émanait en effet d’un point problématique et non résolu. Née de la réalité qu’un conflit entre les deux nations fait bruisser comme braises brûlantes sous nos pieds, elle exacerbait une problématique dont je ne possédais pas les clés. Il ne s’agissait d’ailleurs pas de la question « qui est Juif »mais bien de l’interrogation « qu’est-ce qu’un Israélien ». La rencontre arabo-juive débouchait sur un voyage vers l’aliénation, sur un exil. Il fallait alors tenter de redéfinir les concepts de pays, de terre, d’appartenance à un lieu. Au plan affectif, ce monde conceptuel s’alourdissait du vécu de chacun des deux peuples au cours du dernier siècle. Par contre, le père Shoufani l’avait répété à plusieurs reprises, avec une grande détermination, avant et pendant le voyage : « Ensemble, Juifs et Arabes, nous assumerons notre futur. Nous n’avons jamais compris l’aspiration du peuple juif à la sécurité, la cause de ce manque permanent d’assurance du peuple juif ». Nazir, qui parmi les organisateurs du voyage incarnait sans doute le médecin arabe « laïc », directeur du département des urgences de l’hôpital HaEmek, devait déclarer de façon quelque peu naïve : « Que chaque Juif sache bien qu’il n’est pas tout seul, que nous sommes venus pour être à ses côtés ».
C’était le monde renversé : la minorité arabe, défavorisée par rapport à la société israélienne, prenait sur elle de « comprendre » et de protéger la majorité juive. Il semblait que pour la première fois, la minorité arabe en Israël prenait une telle initiative sociale et culturelle, dans le cadre de laquelle elle initiait intégralement un processus.
A la veille de notre départ, j’écrivais dans mon Journal de voyage, en date du 25 mai : « Le voyage d’une délégation commune vers la Pologne touche à deux points douloureux, à la jonction de deux réseaux nerveux. Je pars pour un périple personnel parallèle au voyage collectif et me voilà en quête de points de rencontre authentiques. Il me faut scruter le monde à travers la littérature et l’art, à travers le souvenir qui en émane. Ma démarche passe par un vécu humain et par la prise de conscience de mon identité. Ma définition : c’est là faire route dans un vécu israélien complexe, un kaléidoscope d’identités, vers le point douloureux de l’identité juive. Il s’agit de porter cette rencontre d’identité et d’appartenance israélo-palestinienne au-delà du point de fusion de l’identité juive. »
En outre, j’ai également noté dans mon journal l’esquisse de la première rencontre du groupe à Herzliya.
12 avril, hôtel HaSharon, Herzliya.
Myriam, avocate de Nazareth, a dirigé les débats qui ont suivi le premier contact entre les participants. Elle a déclaré : « Mon beau-frère, Nazir, m’a invitée à participer à ce voyage mais je n’envisageais même pas que ce projet puisse se concrétiser. J’éprouvais de nombreux doutes, craignant de me détacher de la douleur que j’éprouvais envers mon peuple pour ressentir celle de l’autre, une situation fort malaisée. Quand Abouna (Emile Shoufani) m’entreprit sur ce point, il se montra plus convaincant que Nazir : il parla d’amour et d’altérité, et c’est cela qui réussit à me convaincre. »
Le docteur Steiner, de l’hôpital Hadassah, devait déclarer : «Je pars pour Auschwitz par hygiène morale. J’ai un problème avec ce que nous faisons aux Arabes. » Halil, enseignant à El-Moutran, qui comptait parmi les organisateurs de ce voyage, intervint : «Par l’intermédiaire de l’histoire de la Shoa, j’ai découvert la peur. Auparavant, je n’avais jamais su ce qu’était la crainte. Je veux comprendre la peur de l’autre camp, et peut-être ainsi comprendrai-je la mienne propre. »
Mikhi Shoshan, journaliste à la radio : « Je me sens coupable. En tant que Juifs, nous n’avons pas tiré les conclusions adéquates et nous risquons de devenir semblables à … Au début de la seconde intifada, ce sentiment de culpabilité s’est renforcé en moi. Je veux rencontrer le deuxième peuple de ma terre. »
Il semble que cet échantillon de hasard exprime nettement les axiomes de départ des participants de ce voyage. Personne n’a entamé ce périple arabo-juif vers la Pologne pour ressentir une nouvelle expérience israélienne culturo-touristique. Chacun à sa manière s’est engagé dans une quête personnelle, afin de résoudre le lien entre sa biographie personnelle et une expérience collective complexe.
Kaouar Nouha, leader féministe et poétesse de Nazareth, qui vers la fin du voyage devait écrire pour la première fois de sa vie trois poèmes en hébreu, raconte : « Au début, je ne voulais pas y aller. Je pensais que c’était peu adéquat à ce moment précis, durant cette époque d’intifada. Je suis une militante de la paix, mais j’ai eu peur que l’on dise que j’étais partie pour Auschwitz en m’identifiant avec le camp juif et pas avec le mien. »
Le prêtre Emile Shoufani a vu encore plus loin que nous tous. Il a refusé toute étiquette politique pour ce voyage, sans craindre les critiques internes qui se sont élevés dans la presse arabe. Dans chaque conversation, chaque conférence, il citait avec enthousiasme les paroles du philosophe juif français Levinas, soulignant que nous devions connaître l’autre et assumer notre responsabilité envers lui.
Pour nous tous, il était évident que ce voyage devait apporter une véritable transformation. Le périple arabo-juif à Auschwitz constituait un changement par son existence et sa nature même. Jubran exprima à merveille cette idée en déclarant de façon imagée : « Je veux provoquer un choc positif aux Juifs en affichant mon identification avec la souffrance juive. Les Juifs ne peuvent réagir négativement, de sorte que je vous oblige à réagir par un choc positif. »
Par contre, j’ignorais vers quoi je me dirigeais, mais dans la charge affective que je portais dans ce voyage, figuraient deux points de refus préalables.
Je refusais de toute ma force de me laisser tenter par l’instinct israélien tendant à « se débarrasser » du vécu d’Auschwitz comme doté d’une connotation juive, opposé au vécu « universel » d’un être impliqué et suivant de près l’art israélien. Impossible de ne pas me souvenir à quel point la Shoa est omniprésente dans les diverses icônes de l’art israélien, comme les vestes à rayures des camps de concentration ou le tracé des baraques et des barbelés. Il semble que ce point soit sempiternellement lié à une sorte de façon juive de s’excuser. C’est comme si ni nous ni notre souvenir n’étions là, mais le « mal » comme pure abstraction ; comme s’il y avait là un poids énorme dont nous devions nous débarrasser.
Dans la préface de Meir Aharonson au catalogue de la Biennale de Venise de 1999, dont le titre est « Le souvenir comme histoire et l’histoire comme souvenir», parlant de Simha Shirman, Aharonson écrit : « …Simha Shirman, artiste plasticien, traite de la Shoa par l’intermédiaire de sa caméra et autres médias. L’ensemble ne tend pas à installer une métaphore iconique contraignante, mais cherche à saisir et à rendre présent un concept métavisuel. » Dans une certaine mesure, Shirman affirme qu’Auschwitz se trouve en tout lieu. C’est un état d’âme, c’est l’ « humain qui ne rencontre pas le regard de l’autre. ».
Toute ma vie, je me suis opposée à la définition d’Auschwitz comme état d’âme. En approfondissant en moi-même et en ceux qui m’entourent, juifs ou non juifs, je n’ai pas vu un seul moment ou une seule situation où un homme ait été dans dans un état « auschwitzien ».
Les guerres existent depuis que les hommes luttent pour leurs territoires, leur identité, leur appartenance. Aucune des guerres ayant précédé le XXème siècle n’a fait de l’extermination d’un autre peuple son but per se. C’est là la position de peuples assassins qui veulent y voir un crime cantonné à une époque et à une génération spécifique, comme si la chose ne les concernait nullement, comme si la vie devait se poursuivre et que de nouvelles générations, dénuées de la mémoire du génocide, devaient voir le jour. Je refuse d’intérioriser cela. Cette simple définition implique que nous autres Israéliens juifs risquons de nous laisser, qu’à Dieu ne plaise, entraîner vers le « mal absolu ». Cette crainte de nous-mêmes, elle a sûrement été perçue par ceux qui vivent en notre sein, citoyens de l’Etat au même titre que nous. Halil devait ressentir cette double crainte : celle de la possiblité du retour de ce sentiment d’impuissance face au nazisme, et, d’un autre côté, la peur de notre similitude avec ceux qui nous massacraient, comme le formulait Miki Shoushan lors de notre première prise de contact.
Ma première crainte était donc qu’Auschwitz soit trop facile à concevoir par les Arabes comme l’expérience d’un mal universel et non pas comme celle d’une impuissance juive face au nazisme, face à des évènements où l’homme en tant que groupe humain perdit l’image divine en lui pour se transformer en monstre humain s’adonnant à la mort.
Je craignais par ailleurs que la Shoa juive ne soit comparée à la Naqba palestinienne, et que les deux catastrophes nationales ne soient mises en regard, l’une justifiant l’autre. Que nous n’ayons aucune justification existentielle pour un recours à la force dans un contexte de survie et que les Arabes de notre groupe ne se voient comme « les victimes de victimes ».
Au plus profond de moi-même, je refusais d’être partie prenante d’un tel débat : ni coupable ni accusée. Tout en ayant conscience qu’un périple commun ne pouvait que créer des liens, je refusais ce type de connexion.
Je pensais pouvoir lier les concepts fondamentaux de ma vie d’israélienne avec ma vie en tant qu’entité détentrice d’une identité « juive ». Dans mes bagages, j’avais rangé trois recueils de poésie : l’un, traduit en hébreu du polonais, de Wiselva Shimborska ; le second de Milosz et le troisième de Paul Celan. Je voulais en effet avoir à portée de main une parole exacte autant que faire se peut, sous un angle qui ne soit pas forcément juif-israélien. Il me fallait une certaine distanciation, sans pour autant léser la vérité, au plan historique comme au plan humain.
Ce périple avait été conçu grâce à l’initiative de deux personnalités-clé. Côté arabe, il s’agissait d’Abouna Shoufani, prêtre catholique de Nazareth ; côté juif, de Ruthi Bar Shalev, spécialiste de la gestion et fille du général Motta Gour. Plus je m’impliquais dans cette initiative, plus je me rendais compte qu’il s’agissait d’un périple né au départ d’un désir pédagogique banal. Le lycée proche de l’université hébraïque de Jérusalem avait initié au fil du temps des rencontres avec les élèves et les professeurs d’el Motrane, un établissement secondaire de Nazareth dirigé par le prêtre Emile Shoufani, surnommé Abouna. Autrement dit, en ce qui les concernait, ce voyage avait débuté bien avant que je ne m’y implique. Connaissant le vécu juif-israélien, Abouna Shoufani avait compris qu’il fallait établir un dialogue avec les Juifs, et que pour comprendre par empathie les angoisses israéliennes, il y avait lieu d’atteindre au cœur de la douleur et de la souffrance, autrement dit à Auschwitz. Pour connaître l’Israélien des années 2000, il fallait faire retour au milieu du XXème siècle, vers l’expérience et le souvenir ayant forgé cet Israélien du point de vue de l’Arabe israélien. Shoufani intitula avec sagacité cette démarche « du souvenir à la paix ». Autrement dit, le souvenir ne ligote pas forcément, il peut aussi constituer une force libératrice.
Au-delà de l’évidence historique voulant qu’Auschwitz constitue un repère spatio-temporel lié principalement aux Juifs, le concept d’après-Auschwitz désigne pour le monde juif l’Europe et la culture occidentale dans son ensemble. L’orient en général et le proche-orient en particulier ne semblent aucunement liés à cette déchirure d’Auschwitz ni à cette expérience de l’après-Auschwitz. De sorte que ce voyage incluait une option subversive supplémentaire, celle d’assister à la rencontre des souvenirs de deux cultures. Ici s’insérait un nouvel élément de confusion pour le père Shoufani, « Arabe israélien », mais aussi prêtre catholique.
Au plan historique contemporain, Shoufani est citoyen d’un Etat où il se trouve en minorité, identifié avec un ennemi agressif et vainqueur de son propre peuple. Au plan mythique, du point de vue chrétien, Yoshoua Ben Yossef était un Juif ayant vécu et étant mort comme Juif, tandis que la tradition chrétienne attribue aux Juifs sa crucifixion. Dans la tradition chrétienne, le concept de douleur est d’une grande richesse, purifiant et saint. Dieu est identifié à la souffrance, autrement dit cette même souffrance devient un élément de la foi. En outre, en tant que leader religieux dans le secteur arabe, Shoufani n’ignore pas que les Arabes chrétiens d’Israël quittent en masse le pays, et que la plupart de ses élèves et des autres leaders sont précisément musulmans.
Nous allions donc vers une rencontre incluant une confrontation avec une profonde souffrance humaine, dont on peut difficilement saisir la signification, si toutefois elle en a une. Une souffrance dénuée a priori de sens est capable de pulvériser la face de Dieu. Afin d’exacerber encore cette sensation d’absurde, il s’agissait de la souffrance du peuple juif, ce même peuple grâce auquel l’histoire occidentale voit la naissance du monothéisme, tout en l’accusant de la crucifixion de Jésus. Paradoxalement, la souffrance du peuple juif peut le faire accéder à un statut mythique divinisé. Ce statut entraîne à son tour deux concepts, ceux de la faute et du pardon. C’est ainsi que le formule Imra Cartes décrivant les pensées d’un enfant juif hongrois à la recherche de son identité : « ensuite, lorsque le fait d’être juif prit pour moi de plus en plus d’importance, et qu’il apparut peu à peu que cet état, en général, impliquait un châtiment capital, à coup sûr à cause de cette évidence bizarre (être juif), je commençais à percevoir la situation sous un angle légèrement différent, plus familier ». Après avoir visité à Cracovie le quartier juif et la synagogue historique Rama , nous arrivâmes à la synagogue « Temple »au cœur de Cracovie. Devant l’Arche sainte, Emile Shoufani se tint avec tout un groupe de représentants de diverses religions, avec leurs croix ou leurs habits rituels musulmans, et s’adressa à la presse mondiale : « D’un lieu d’amour, du lieu de l’image divine en l’homme, dans la compréhension de « l’autre », nous sommes avec vous et nous prenons sur nous votre douleur. Tout ce qui arrive aux Juifs, aux Palestiniens, aux orientaux, nous le prenons sur nous. Nous prendrons sur nous l’avenir car il est primordial que nous le sentions ensemble. De ce lieu, de cette synagogue, nous voyons qu’il s’agit là d’un lieu d’unité. Je veux vous remercier de nous avoir accordé de votre temps et d’avoir dit ‘oui’ à ce voyage. Je sais combien il a été difficile aux participants d’expliquer leur décision dans leurs propres foyers. Et pourtant, nous sommes venus pour ce voyage à Auschwitz, afin de connaître et de comprendre la Shoa. C’est pourquoi il nous faut accomplir ce périple et entendre des témoignages, entre autres celui du membre des Sonder Kommando ayant travaillé dans les chambres à gaz et dans les fours crématoires ».
Le père Emile Shoufani réussit à émouvoir toute l’assistance par ses paroles et sa personnalité empreinte de chaleur, charismatique, et par sa volonté de renverser les barrières et d’instaurer la confiance.
Dans mes notes, j’ai inscrit en date du 27 avril :
« La synagogue Temple dépasse en splendeur celle de Rama et tout ce que nous avons vu à ce jour. Elle rappelle celle de Florence et les plus belles synagogues d’Europe. C’est une coquille de mémoire, une coquille vide. Avec ses ornements, son tabernacle doré, elle faisait ressortir somptueusement la présence de ces religieux aux longues robes et aux ornements divers. Chacun à sa façon avait eu besoin de la publicité et de l’aval de sa propre communauté. Tout était théâtral et menacé de vacuité, et malgré le cadre synagogal, le fond juif manquait. J’ai senti alors qu’il ne fallait pas laisser cette vacuité se concrétiser et se renforcer, et que ce qu’ils apercevaient devant l’Arche, dans leurs habits rituels, n’était pas l’image empreinte de souffrance que nous voyions, moi et mes camarades. J’ai donc demandé au rabbin Guissar et à quelques amis de former un minyan et de dire Kaddish. Il y eut alors un malaise, puisque les organisateurs avaient décidé qu’aucune prière ne serait dite, quelle que soit la religion. Sur les côtés de l’Arche, se regroupèrent quelques hommes pour la lecture de deux versets des Psaumes. Je me sentis mieux en entendant les paroles hébraïques s’élever à l’ombre du tabernacle. Je pensais alors à la rencontre des symboles : le tabernacle était orienté vers Jérusalem, et nous étions précisément à la date de la Journée de Jérusalem. Si le nom de cette cité était évoqué dans une synagogue emplie de croix et de croissants, l’amour parviendrait-il à germer, un amour commun pour la ville commune ? Et moi, étais-je en mesure d’inclure en moi-même tous ces éléments ?
Salim Jubran, poète, écrivain et journaliste, très introduit dans la société israélienne juive et responsable d’une émission hebdomadaire à la radio arabe régionale, considéra le concept « prendre sur nous » sous un angle un tantinet différent : « Les Juifs ne peuvent porter seuls le traumatisme de la Shoa. C’est une horreur qui touche à l’humanité tout entière. Après la seconde guerre mondiale, il existait le danger d’un retour de la « bête immonde ». C’est pourquoi l’homme ‘éclairé’ doit se montrer sur ses gardes devant une telle éventualité. Je suis parti pour ce voyage en Pologne très préoccupé du danger que le passé n’éclate comme une bombe dans notre présent » devait-il assurer. En parlant du présent, Jubran parlait de nous, de l’Etat d’Israël et du conflit avec les Palestiniens. Il ajouta : « En me penchant sur le destin juif, je me rends compte que ce qui s’est passé à Auschwitz a fait de vous un peuple a-normal ».
« De quelle manière ? » lui ai-je alors demandé. Sa réponse était claire : « L’Etat d’Israël est doté d’une puissance militaire incomparablement plus forte que celle des Arabes, des pays arabes et des Palestiniens. Pourtant, le citoyen israélien est tout simplement un malade chronique, toujours préoccupé ; il se sent menacé. Mais Juifs et Palestiniens sont comme des frères siamois, toutes les maladies historiques et mentales des Juifs passent aux Palestiniens. Ces deux peuples sont en même temps tordus et imbriqués l’un dans l’autre ». Cette cruelle métaphore de frères siamois aux membres emmêlés explique ce besoin d’accomplir ce voyage en commun : du passé vers un avenir partagé.
Halil, enseignant au collège « Amal Hora » dans le Néguev, et directeur du bureau de poste de son village, me raconta a posteriori : « Je comble ainsi un puits d’ignorance : à part deux chapitres de mes livres d’histoire, je ne savais trictement rien de la Shoa. »
Rencontre dans la forêt
Lors de ce qui fut pour moi l’un des moments forts de ce voyage, nous marchâmes dans une forêt débouchant sur la vallée des massacres, dans les marécages. Nous avancions en groupes, dans le plus complet silence, en direction des panonceaux relatant les morts horribles de milliers de victimes jetées dans les fosses. De là, nous poursuivîmes vers les chambres à gaz et les fours crématoires, ou plutôt ce qu’il en reste à Auschwitz-Birkenau.
Nous circulions sur un sentier enchanteur, dans une forêt verdoyante jusqu’à la souffrance, avec ses jeux d’ombre et de lumière, semblables à ceux des légendes enfantines. Les racines des arbres avaient puisé leurs engrais dans les ossements humains, des os de Juifs, depuis les bébés jusqu’aux vieillards. Nous baignions dans la pénombre, entre un certain érotisme et le cauchemar d’un corbeau caché derrière chaque feuille bruissante, concrétisant l’atmosphère des forêts des légendes des frères Grimm, tirée du folklore allemand, et l’expression de ce récit dans une nouvelle d’Agnon où l’homme est un loup pour l’homme dans la forêt…
A cet instant, j’eus une impression aiguë de déjà vu, comme si j’étais déjà passé par cet endroit. Regardant autour de moi, je me dis qu’ici les paysans polonais avaient enfoui dans les fosses des centaines et des milliers de cadavres de Juifs. Mais aux alentours de ce sentier, devait se trouver une terre marécageuse. Soudain je me souvins d’un passage du film Shoa, où l’on entend un vieux Polonais témoin de la marche des victimes, de leur mort et de leur enfouissement dans les fosses, dépositaire du terrible secret planant sur ces lieux.
Nous suivions le même sentier que parcoururent les Juifs allant à leur mort terrible, inconcevable. Des paroles en hébreu et en arabe s’élevaient avec le paysage polonais en arrière plan. Nous nous arrêtâmes près des panneaux commémoratifs et explicatifs. Rassemblés en demi-cercle autour du guide, nous écoutâmes ses explications érudites.
En l’entendant parler, je pris conscience du fait que nous étions bien sur les lieux, et qu’autour de nous ces marécages avaient vomi les cadavres sous la pression des eaux entraînant les corps flottants.
Je prêtais une oreille attentive aux explications du guide qui détaillait les assassinats et les massacres perpétrés à l’encontre de Juifs en cette épouvantable place. Durant cette description, je sentis la colère grandir en moi devant la façon dont le guide parlait, en utilisant uniquement le passif : ils ont été tués, brûlés, fusillés, mis à mort… comme si de l’autre côté du fusil il n’y avait personne, comme si personne n’avait creusé les fosses ni préparé les fours crématoires, comme si personne n’avait assassiné. « Les Polonais ont brûlé 500 Juifs » ou bien « Les Allemands ont rassemblé dans la forêt 700 victimes par jour et les ont fusillés, les faisant basculer dans une fosse. La langue hébraïque pratique un tel discours, (sous l’influence des écrits d’Aharon Appelfeld, de Primo Levi). La forme de ce discours implique qu’il est inutile de grossir et de décrire en détails, il suffit d’aligner les faits avec beaucoup de retenue. Il n’y a pas lieu de décrire les sentiments.
Nombre d’entre nous se cramponnaient d’ailleurs aux faits : par où passait la voie ferrée, où était la célèbre rampe d’où les Juifs étaient dirigés vers le camp ou bien vers la mort dans les chambres à gaz, comment étaient agencés les fours crématoires, etc. Ceux qui se permettaient de sangloter, de s’exprimer avec une force affective sans frein, étaient pour l’essentiel nos compagnons de voyage arabes. Je commençais à comprendre que le poids de la mémoire et de mes connaissances, depuis ma première découverte du Journal d’Anne Frank jusqu’à la lecture de Primo Levi et le visionnage de tous les films disponibles sur ce sujet, avaient déplacé l’expérience de cette rencontre vers un autre lieu. Au contraire, mes compagnons arabes vivaient cette expérience à partir d’un lieu dénué d’analogies et de connaissance préalable, de sorte qu’ils pouvaient se livrer aux pleurs et à la douleur. Je les observais comme si je voyais devant moi la terre de l’affectivité, sans pouvoir y accéder.
Au-delà de cette retenue, les paroles qui parvenaient à mes oreilles me semblèrent devenir dissonantes. Ce style intériorisé reflétait la marche des Juifs vers leur mort. A un moment donné, j’interrompis donc l’explication en demandant, très désemparée : « Pourquoi ce langage débile ? Pourquoi les Juifs « ont été assassinés » et « mis à mort » ? Pourquoi ne pas dire la vérité ? Comment sommes-nous là, plantés devant les fosses, essayant de comprendre. Nous, les Juifs, essayons de nous comprendre nous-mêmes. Nos compagnons de voyage arabes essayent quant à eux de nous comprendre par notre « souffrance ». Pourquoi, en lieu et place d’un silence infini, aucun appel à la vengeance ne s’élève ? Pourquoi nous contentons-nous du souvenir comme seule façon d’affronter Auschwitz ? »
Le terme « vengeance » me semblait presque à ce moment un mot libérateur et plus précieux que jamais. C’était sans doute la première fois de ma vie que je pouvais approcher le sens et le besoin profond d’une réaction à un mal sans égal ni expiation possible. Je compris alors que mon intervention avait troublé le bon ordre, et qu’utilisant la parole j’avais outrepassé une frontière invisible.
Shoufani me demanda aussitôt : « Que veux-tu ? Que du sang soit encore versé ? Tu veux massacrer des Allemands ? » et encore : « Beaucoup de temps s’est écoulé, le peuple allemand est différent aujourd’hui. Veux-tu vraiment soulever derechef ce sujet ? »
L’argument le plus banal fut de demander si la création de l’Etat d’Israël ne constituait pas une réponse adéquate.
Je ne répliquais pas mais ce point touchait en fait à ma seconde crainte. Je me demandais en effet quelle était sa réponse à ces questions. Dans ma tête se bousculaient textes et images, ne me laissant aucun répit, brûlant mon cerveau. Je me demandais si ces lignes avaient été traduites en arabe :
« On nous a poussés, frappés, jusqu’à ce que nous arrivions à une autre place. Nous passâmes entre des rangées de tabourets. A côté de chacun d’eux, se tenait un coiffeur. On n’entendait que les ordres lancés par les coiffeurs : assieds-toi, lève les bras, baisse ta culotte, descend. Autrement dit, assieds-toi et baisse la tête afin qu’on te coiffe… Les coiffeurs travaillaient à un rythme effréné. Tout le monde les bombardait de questions : comment est le camp ? Qu’y fait-on ? Comment y vit-on ? Qu’arrive-t-il aux familles ? L’un d’entre eux s’exclama alors : « Tu veux savoir la vérité ? Regarde, tu vois ces cheminées d’où sort une fumée noire et épaisse ? » (comme c’était la nuit, on sentait et on voyait la fumée) – « On n’alimente pas le four avec du bois de chauffage, mais avec les cadavres de vos familles, des femmes, des enfants, des vieillards et de tous ceux qui sont condamnés à mort. Regarde les monter dans le ciel. Tu n’as plus rien à attendre, personne ne survivra, ta famille n’est plus. Oublie tes proches car tu ne les reverras plus jamais ».
Ces paroles terribles sortaient de la bouche de ce coiffeur avec simplicité, dans un sourire forcé, sarcastique. Peut-être n’était-ce qu’un réflexe facial, mais on voyait le sourire naître aux commissures de ses lèvres… » (Abraham Schneour, Biographie de A 11667, Ed. Carmel, 1994).
Jubran opposa le silence à ma demande de vengeance : « Ce n’est pas la première fois que je suis ici. J’ai décidé de venir dans un souci d’identification publique et de respect pour mes partenaires. Dans ce lieu, tu sens que tu dois aller doucement car tu marches sur des cadavres et quelqu’un peut crier sous tes pas. Je ressens le besoin de me retirer en moi-même, dans mon âme intérieure dénudée. Tous les mots pâlissent ici. Le silence constitue l’expression spirituelle la plus authentique qui soit. Là-bas, j’ai esquivé les photographes et les interviews : je ne voulais pas qu’on pense que cela faisait partie du show. C’est un voyage intérieur, et non un voyage de groupe. Je contemple le monde et il est plein d’horreur. L’espèce humaine est arrivée ici au plus bas, à une industrie de meurtre organisée minutieusement et de sang froid. C’est précisément le peuple allemand, « éclairé », à la pointe de la science et de la philosophie, qui s’est transformé en peuple d’assassins ». Jubran répondait ainsi à la question à laquelle je ne trouvais pas de réponse et qui ne me laissait aucun repos. Deux générations s’étaient écoulées depuis la Shoa, et où en était le peuple allemand ? Et le peuple polonais ?… la grande poétesse polonaise Wiselva Shimborska me tira alors d’affaire : je sortis de mon sac son recueil de poèmes, et lors de notre retour de la visite à la « rampe », d’où les Juifs descendaient des trains, je lis à haute voix dans l’autobus ce poème à mes compagnons de voyage:
Encore
Dans les wagons plombés
d’un pays de noms en voyage
vers où iront-ils,
en sortiront-ils
ne posez aucune question
je ne dirai rien, je ne sais pas
le nom Natan frappe de son poing la paroi du wagon
le nom Isaac chantonne d’une voix de folie
le nom Sarah se désespère de ne pas avoir d’eau
pour le nom Aharon, qui meurt de soif
un nuage d’hommes morts survole la terre
d’un gros nuage une larme, pluie légère
saison de sécheresse
le rail mène à la forêt sombre.
les roues grincent dans la forêt sans clairière
tchou tchou tchou passe un convoi de cris
tchou tchou tchou éveillée dans la nuit j’écoute
tchou tchou tchou un silence heurte le silence
Le poème s’intitule « Encore ». En effet, les hurlements sont toujours audibles pour la poétesse polonaise. Le bruit du train progresse vers les forêts de la mort, transportant des être portant des noms juifs, une identité juive. Il semble que ces « voix » se soient conservées dans la mémoire de la forêt. A partir de ce point, les intentions d’Abouna Shoufani et les miennes divergent. Le père Shoufani souhaite en effet que la prise de conscience et la connaissance du passé débouchent sur le pardon, tandis que j’affirme, moi, que nous ne devons pas pardonner mais nous souvenir. Si ce souvenir pèse et empêche l’oubli, c’est sans nulle doute sa fonction.
Le train fut l’outil de cette tentative d’effacement. De là, des êtres détenteurs de souvenirs et d’identité devenaient des numéros dénués de tout. « La Shoa fut à de multiples reprises une tentative d’effacer les noms, d’effacer les prénoms, et non seulement de mettre des gens à mort, mais également d’anéantir les archives » (Derrida).
Abouna me demanda une fois encore si je voulais que du sang coule à nouveau, en ajoutant qu’il fallait pardonner. Avec le pardon, ajouta-t-il, viendra la possibilité de poursuivre notre épanouissement.
En revenant chez moi, j’ai cherché des arguments favorables à mes positions voulant qu’un crime d’envergure mythique ne puisse être pardonné. C’est précisément le non-pardon, le non-oubli et le devoir actif de mémoire qui constituent une manière de réponse incluant une dimension mythique dans la vie de l’individu. Mais comment le collectif réagira-t-il au plan mythique ?
Nouha décrit un tournant de sa conscience : «Nous sommes allés à Auschwitz. J’ai vu en chemin les champs immenses et vides. J’ai dit à Beni Schwilli, l’écrivain qui marchait à mes côtés : ‘vois combien de terre vide, si seulement nous pouvions en recevoir un peu…’. Il m’a répondu que très probablement, de très nombreux cadavres étaient enterrés là. A cet instant, j’eus l’impression d’avoir piétiné un petit enfant. Je composais ensuite là-dessus un poème en hébreu. »
Je me dis qu’à Auschwitz et en terre polonaise, je n’avais pas composé un seul texte poétique. Mon cerveau ne cessait de bombarder ma conscience d’extraits de poésies de Paul Celan et de textes de Primo Levi. Pour Nouha, c’était là la naissance d’une grande émotion, d’un profond renouvellement, tandis que pour moi, « un roc obstruait toute ouverture ». Et si je pardonnais ? Et si j’oubliais ? Le pourrais-je ?
Dans une interview lors de sa visite à Yad Vashem, le philosophe Jacques Derrida évoque lui aussi le concept de pardon. Il cite le philosophe français d’origine judéo-russe Yankelevitch, qui composa un ouvrage sur l’éthique du pardon dans la tradition culturelle occidentale. Bien que ce livre ait été écrit dans les années 60, il n’évoque pas directement la Shoa, et aboutit à a conclusion que le pardon doit transcender le mal. Dans la mouvance de la loi décrétée en 1964 en France sur la non-prescription des crimes contre l’humanité, Yankelevitch composa un petit texte où il affirme qu’il n’y a pas lieu de pardonner, et que les crimes contre l’humanité commis lors de la Shoa ne peuvent être pardonnés, précisément parce qu’ils dépassent toute mesure de jugement humain, qu’ils sont littéralement ‘hors la loi’, au-delà de tout châtiment humain. De surcroît, il assure que les Allemands ou les nazis n’ont jamais demandé à être pardonnés. Il s’inscrit ainsi dans un cadre logique où pour pardonner à quelqu’un, il faut que ce dernier demande pardon et prenne conscience d’avoir causé du mal : Yankelevitch décrète alors avec beaucoup d’assertivité que le pardon est mort dans les camps de la mort, et que le pardon n’a plus ici aucune logique.
Mais moi, je m’intéressais à la question de la dépendance entre vengeance et pardon. De par sa nature même, le pardon vient annuler la demande et le besoin de vengeance. Qui donc a le droit ou le devoir de pardonner ? Selon Derrida, «il est impossible de pardonner, tout simplement parce qu’aucun homme n’a le droit de pardonner un crime s’il n’en est pas la victime directe ».
Après le voyage
Après ce périple, il me semblait totalement évident que le voyage ne se terminait pas là et que commençait une nouvelle quête. Au niveau humain, la rencontre avait brisé des barrières, débouchant sur une sorte de sentiment qui put être qualifié de religieux. Nous avons atterri à Katowitz, alliance humaine partageant un mélange d’hébreu, d’arabe et de polonais, et demandant à être décodée. Mon attention se partageait car chaque mot semblait être dit à deux voix : « occupation », « réfugiés », « valises », « uniforme ». Nous avions accompli un voyage au bout de l’humain, où les mots s’étaient fondus en un sens unique : la valeur de la vie. Une question qui se posait alors : comment poursuivre ? Les participants exprimèrent le besoin de rencontres supplémentaires et d’une continuité de cette quête dans le quotidien israélien, ainsi que la recherche d’une influence exercée sur un plus grand nombre de personnes se joignant à cette nouvelle expérience israélienne. Un séminaire de conclusion se tint en fin de semaine à Jérusalem. De tous les débats se dégagea la demande suivante : « les Juifs doivent à présent venir à la rencontre des Arabes ». Par diverses voies, on mit en avance le besoin profond d’une reconnaissance réciproque de « la douleur arabe ». Un document de travail fut diffusé par les organisateurs, avec le titre suivant : Du souvenir à la paix – le seconde voyage vers la prise de conscience de la réalité arabe – la magnificence, la noblesse et la douleur. « C’est un voyage vers la connaissance de la culture arabe, de la douleur, et de la réalité arabe sous tous ses aspects. Nous apprendrons à connaître les immenses valeurs apportées à l’humanité par l’arabisme et l’islam. Ensemble, nous découvrirons ce qui permettra à la culture arabe de s’exprimer dans les diverses sphères de l’Etat et partout ailleurs. Nous apprendrons à reconnaître la douleur née d’une réalité difficile et le fossé séparant les immenses potentialités de la culture arabe de leur concrétisation en Israël et dans le monde entier. Nous identifierons l’obstacle grâce à notre implication commune visant à lever de tels difficultés. »
Dans ce document de travail, six paragraphes, chacun débutant par les mots :
connaître et expérimenter l’esprit, la culture et la grandeur arabe…
connaître et expérimenter la culture arabe dans toute sa splendeur…
connaître la réalité arabe…
identifier l’élément qui permettra à la culture arabe d’aujourd’hui de saisir la réalité arabe sous tous ses aspects
identifier ce qui permettra à la culture arabe (…) de fonctionner comme un groupe (…)
De toute évidence, ces points expriment la nostalgie d’une réciprocité et d’une reconnaissance de la valeur de la culture-sœur. Tel qu’il se présente, ce document n’a rien qui puisse faire naître une quelconque résistance de par cette exigence d’introduire une symétrie là où règne l’asymétrie. Cette demande fut donc comprise et quelques rencontres eurent lieu à Nazareth, dans l’école du prêtre Emile Shoufani, dans des maisons privées en Galilée, ainsi qu’à Jérusalem. Nouha et quelques-uns de ses camarades affirmèrent vouloir déboucher sur des résultats politiques : « J’ai voulu que naisse de tout ceci un parti de la paix, pour ne pas nous disperser mais nous réunir en un groupe doté d’un objectif commun. Nous ne sommes pas allés à Auschwitz pour nous promener : nous avons accompli un travail forcené et nous devons en tirer quelque chose. Le contraire me gênerait beaucoup », expliqua-t-elle.
Au contraire, Abouna Shoufani continua à parler de l’homme façonné à l’image de Dieu, d’amour, de lumière. Il voulait créer un pont au plan humain. Myriam, quant à elle, analysait ce qui lui semblait une direction possible : « il faut élargir le cercle et tâcher d’exercer une influence, de multiplier les connaissances et diminuer le sentiment de peur. »
Je lui ai demandé : « Et tout cela, sans politique ? », et elle répliqua : « sans politique et sans Dieu. Ne soyons pas naïfs : la politique est partout dans la vie. Mais cela peut marcher même sans politique. »
Salah Halifa, de Daliat el-Carmel, qui connaît de l’intérieur la société juive, déclara : « Ce serait dommage que ce groupe si spécial ne débouche pas sur des réalisations humaines importantes et concrètes, même sur un plan politique. Mais à elle seule, l’existence de ces rencontres réciproques constitue une réalisation. »
Quant à moi, je demandais que les citoyens juifs commencent à apprendre la langue et la culture arabe dès l’école primaire. C’est en effet une langue obligatoire pour celui qui vit dans ce pays qui pleure et qui souffre tant. Pour tirer cette conséquence, point n’était besoin d’aller jusqu’à Auschwitz, mais à l’heure actuelle, je prêterai volontiers la main à un parti politique se donnant ce point pour objectif.